Mystère et puissance des femmes…
Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes, elles sortent de l’enfance des hommes, on dit qu’elles gouvernent cette enfance, mais ce n’est pas vrai, il suffit d’aller dans un jardin public et de regarder les mères avec leurs enfants, pour voir : elles ne gouvernent pas, elles veillent.
Elles veillent sur l’incendie naissant d’enfance, elles aident le feu de vie à prendre.
Plus tard, beaucoup plus tard, elles regardent ceux qu’elles ont fait rois et qui ne savent plus leur parler. Les hommes, ce sont les devinettes qui les rassurent — devinettes du pouvoir, de l’argent, de la force.
Devant les femmes, ils disent : je ne devine rien, c’est un mystère, c’est la simplicité des femmes, et c’est leur solitude, cette force de solitude en elles, en chacune d’elles, cette manière qu’elles ont de tenir leurs enfants, leurs maris, leurs amants, le bleu du ciel et l’ordinaire des jours à bout de bras.
Les femmes sont seules, au début, au milieu, et à la fin de leurs jours, et elles reçoivent de cette solitude le sacre d’intelligence. Les hommes regardent les femmes brûler, et c’est quand ils se taisent qu’ils en parlent le mieux.
Christian Bobin. Écrivain, 1994