La légèreté, il n’y a pas de magasin pour ça. Elle vient ou elle ne vient pas. Et quand elle ne vient pas, elle est quand même là à nous attendre !
La légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la rumeur des cloches de monastère à l’heure des offices, dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante de sonates de Schubert, dans la fine touche de bleu, bleu-pâle, bleu-violent sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue en différant une seconde l’instant de la lire, et dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé… j’arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée.
Et si elle est en même temps si rare, d’une rareté incroyable, c’est qu’il nous manque l’art de recevoir, simplement recevoir ce qui nous est partout donné.
Extrait de « la folle allure » – Christian Bobin – Folio.