Petit journal des sources et de la Joie de vivre

Consentement et résignation

Le « oui » du consentement diffère du tout au tout du « oui » de la résignation…

La résignation est de ces « oui » qu’on dit du bout des lèvres : le résigné dit « oui » à tout, même au mal par lequel il se laisse abattre. Le consentement au contraire, en clamant haut et fort son adhésion, offre sa voix à ce qu’il y a de puissant dans la vie. Tout « oui » véritable dit non à la mort. Or la résignation, en baissant les bras, en les privant soudain du tonus qui tient le mal éloigné, les ouvre à tout va. Elle est un « oui » qui ne sait pas dire « non » à ce qui, pourtant, doit mourir. Elle n’a que l’apparence du « oui » puisqu’elle n’est jamais qu’un renoncement.

Le consentement de son côté ouvre énergiquement les bras. Mais par là il circonscrit le champ de son adhésion : il embrasse pour étreindre, et, dans son étreinte, il se ferme à la mort. Quand on dit « oui, je veux vivre malgré tout », quand on affirme « si telle est mon épreuve, alors je la vivrai », on ajoute de la puissance à la puissance de vie qui nous anime. Si le consentement a quelque chose du « laisser être » il n’a rien du laisser aller : l’homme qui consent connaît la limite de son pouvoir sur les choses. Mais cette défaite est sa plus grande victoire : il ne s’agit pas de se défaire de ce qui fut fait, mais de se défaire de son illusoire toute-puissance afin de donner à cette vie-ci, celle que nous avons à vivre, le meilleur de nous-mêmes.

En ne se refusant pas à l’épreuve, en prenant acte de ce qu’il y a à vivre, l’homme qui consent redistribue les armes et affronte le mal. Consentir c’est voir ce qui est, pour ne plus pleurnicher sur ce qui aurait dû être. C’est s’offrir au présent, prendre acte des forces en présence et y livrer la sienne.

Il s’agit d’une « active adoption de la nécessité » dit Paul Ricoeur. Active et non point passive : le consentement est un actif dessaisissement : l’énergie est toute entière donnée à accueillir l’épreuve le mieux qu’on peut.
Martin Steffens.

Petit traité de la joie

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